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JOSEPH VINCENT, UN DE CEUX DE 14.

 

Joseph Vincent est né le 25 Décembre 1891 à Gerbépal où son père était meunier.

Après une scolarité chez son oncle curé et au petit séminaire, il fait divers petits métiers puis s’engage à 18 ans au 106ème RI de Châlons-sur-Marne. Il prend rapidement du galon ; quand la guerre de 1914 éclate, il est sergent.

Il y gagnera ses galons d’officier, sera blessé, et participera aux grands combats, Les Eparges, tranchée de Calonne, fort de Vaux, Flize, jusqu’à l’armistice du 11 Novembre 1918.

Décoré de la Légion d’honneur, il quitte l’armée pour soutenir sa famille. Devenu percepteur en Haute-Marne, il revient passer sa retraite à Girmont-Thaon, son village d’élection.

Passionné par l’écriture, il a retracé par des récits les évènements qu’il a vécus laissant un formidable témoignage. Doué d’un certain talent, il fut incité à publier ses écrits, mais il refusa toujours, pensant ne pas être assez doué, être trop âgé, et avoir trop mauvais caractère pour supporter la critique… Il était presque sûr qu’un jour, un petit fils ou une petite fille rassemblerait ses feuillets et les ferait éditer. Réflexion visionnaire, car c’est sa petite-fille, Béatrice Marchal qui recomposa la trame chronologique des évènements afin d’en faire un témoignage historique maintenant publié sous le titre de « Joseph, un de Ceux de 14 ».

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En feuilletant ce livre passionnant, on trouve les réponses à quelques questions qu’on aurait pu poser à Joseph Vincent.

Comment avez-vous vécu le début de la guerre en tant que militaire ?

« Il est normal qu’au début d’une guerre, on mette en pratique les théories échafaudées en temps de paix. Ces théories sont le fruit de l’imagination pour une part et aussi d’une petite expérience basée sur des rapports d’espionnage ou sur des comptes-rendus d’attachés militaires ayant assisté à des manœuvres d’armées étrangères. Imagination et expériences ainsi acquise sont un maigre bagage pour entrer en campagne ; la première année de guerre est donc toute entière consacrée par les deux belligérants à se découvrir mutuellement. »

On a vu maintes images de jeunes gens partir joyeux, « faire la guerre ». Comment peut-on expliquer cet entrain à aller combattre ?

« Le conscrit de 1913 appartenait à une génération humiliée dans son orgueil national et qui avait la hantise d’effacer la honte d’une défaite. Les gens de l’est, plus que tous les autres, vivaient dans l’espérance d’une frontière repoussée jusqu’au Rhin. Un courant de sympathie courait toujours vivace entre alsaciens et lorrains restés sur place par nécessité et ceux qui avaient émigré dans les villes proches de la ligne bleue des Vosges. D’où ces vocations de soldats vivement attirés par le métier des armes et caressant, sans l’avouer, le secret désir d’être des libérateurs. Idées chimériques, puériles, dira la jeunesse d’aujourd’hui ! sentiment profond de l’honneur, pensait-on en 1910. L’annexion avait été ressentie comme un acte inhumain et brutal, logiquement tout français se devait d’effacer cette honte ; cela partait du tréfonds des cœurs et, quoi qu’on en pense, il y avait de la noblesse dans ce désir de faire disparaître une injustice. L’idéal tourné aujourd’hui vers la jouissance immédiate des biens matériels avec le minimum de risques comprend mal cette perspective d’efforts allant jusqu’au sacrifice. En ce temps que d’avant 14, on tirait fierté de son service à l’armée : on se libérait d’un devoir. D’aucuns impatients de servir, devançaient l’appel de leur classe, s’engageaient. Je fus de ceux-là, déjà gradé et à pied d’œuvre quand sonna la mobilisation de 1914. »

Quel a été votre quotidien dans les tranchées ?

« Pendant six mois, le conscrit de 1913 va assiéger le piton des Eparges, connaître les longues nuits de veille, les pieds dans la boue glacée, et piocher inlassablement avec la conviction qu’au terme de temps de souffrances, la victoire sourira à nos armes. L’ennemi, lui non plus, ne reste pas inactif. De temps en temps, il cherche à percer nos défenses ».

Personnellement, avez-vous été blessé durant cette guerre ?

« Un matin d’avril 1915, dans les taillis de la tranchée de Calonne, un jeune sous- lieutenant se traîne vers l’arrière, la main droite et la cuisse déchirées par une balle. Pour quelques mois le conscrit de 1913 est hors de combat ». 

« Une deuxième fois, en novembre 1916, au fort de Vaux, moi, dans la circonstance, j’eus la certitude que l’obus allait nous tomber dessus.

Avec son bruit grave d’abord, aigu ensuite et puis strident, l’engin défonça de son groin formidable notre rempart de terre, mélangeant, retournant en un clin d’œil nos corps tassés et recouvrant l’affreux pêle-mêle d’une âcre fumée de soufre, comme il en traîne aux cratères des volcans.

Je n’eus pas, tout d’abord, la sensation d’être blessé, seulement mon casque me parut soudainement terriblement lourd et je me sentis gagné par une invincible envie de dormir. Sous moi, mon ordonnance s’agitait en hurlant, sur le parapet un petit sergent, criblé d’éclats, achevait de mourir sans un mot. Rien ne bougeait dans la tranchée déserte. Personne pour nous venir en aide. »

Vous considériez-vous comme des héros ?

« Ce soir-là notre mission se compliquait du fait que le pont gisait au fond de l’eau.

Ce que fut cette opération de franchissement, il faut l’avoir vécu pour mesurer la somme de courage, d’abnégation, d’entêtement raisonné que dût déployer cette magnifique troupe qu’était le 3e. Et qu’on ne vienne pas jeter des fleurs spécialement sur tel ou tel des acteurs de ce fait d’armes. Tous, avec ou sans galons, voulurent avec une énergie farouche mener à bien leur travail. Pontonniers d’occasion, accrochés aux débris du pont de fer, dans cette nuit d’un noir d’encre, brumeuse et froide, gradés de tout poil conseillant et encourageant leurs hommes pendant que ricochaient les balles de mitrailleuses, que s’illuminait le ciel de fusées multicolores, tous s’acharnèrent intensément à faire « comme à l’habitude » leur devoir.

Confondez-les, je vous prie, dans la même admiration. »

Comment n’avez-vous pas cédé au découragement ? N’aviez-vous pas peur en permanence ?

« Dans son for intérieur chaque combattant l’a désirée, la fine blessure, celle qui, sans trop l’abîmer, l’enverrait vers les hôpitaux de l’arrière. Qui n’a souhaité, dans l’exaspération des soirs de relève, se tordre la cheville dans quelque ornière, se trouver sur le passage d’une balle perdue et se voir emporté, grimaçant sur le brancard des infirmiers ? C’étaient là, diront certains puritains, de peu nobles sentiments. Peut-être ! Mais tous ceux qui, pendant quatre ans, ont bourlingué de la mer aux Vosges vous répondront qui leur était bien permis, du fond de l’abîme où ils besognaient, d’élever leur pensée vers un coin de ciel représenté par le voile blanc d’une infirmière. L’imagination aidant, il se voyaient choyés, dorlotés, maternellement bordés par des mains douces de femmes, étirant voluptueusement leurs membres lassés dans des lits bien frais et le cafard se dissolvait au fil de la rêverie.

Sans trop y croire, chacun l’espérait, la fine blessure. »

Comment s’est passé l’annonce de l’armistice sur le front ? Y avez-vous cru ?

« La nouvelle a filtré vers l’avant. Comme pénétrée d’un fluide magique, la première ligne tout entière s’agite. Négligeant toute prudence, les hommes se livrent et se congratulent bruyamment. Le tac-tac d’une mitrailleuse fait rentrer bien vite chacun dans son trou : Les Allemands ne sont pas au courant. Enfin vers onze heures, la cloche d’une locomotive tinte bruyamment dans la gare de Lûmes et nos clairons massés dans la cour du château de Flize sonne à pleins poumons le « cessez-le-feu ».

Minute poignante ! Sur la ligne de feu tout le monde est debout. Français et Allemands s’avancent les uns vers les autres, sans armes. On se serre la main, on rit sans retenue : quelques groupes chante la marseillaise, c’est un peu du délire. Petit à petit arrivent de l’arrière des isolés qui n’ont jamais vu l’ennemi de si près :  voici un médecin général, coiffé d’un képi rutilant et qui, ne sachant sans doute trop quoi dire, s'informe des blessés qui pourraient encore se trouver sur le terrain ; voici un artilleur aux cheveux blancs, engagé volontaire à cinquante-cinq ans, nous dit-il, qui s’indigne de voir Français et Allemands fraterniser. On lui rit au nez. »

50 ans après, quelles sont vos réflexions sur la guerre ?

« La guerre est chose éternelle et monstrueuse. Autrefois, les rois, les empereurs, les princes la déclenchaient par orgueil ou ambition personnelle. Aujourd’hui les groupes puissants de la finance internationale, opérant dans les coulisses, en ont fait une guerre d’industrie fort rentable qui tend à ruiner un continent au profit de l’autre. Par une propagande habilement menée, on fait vibrer la fibre patriotique des peuples, on leur prête de l’argent pour s’armer, leur faisant croire qu’il y va de leur honneur et de leur bonheur. Le pauvre peuple ne récolte de l’aventure que plaies et bosses, il y perd la fleur de sa jeunesse, sa tranquillité et ses richesses. Alors, il s’aperçoit qu’il a été dupé et fait la révolution, autre genre de distraction non moins stupide que l’autre.

La guerre, maladie endémique, folie de tous les temps, a ceci de particulier qu’elle enthousiasme la jeunesse et les les conducteurs de peuples le savent bien, qui s’efforcent dès l’école de diriger les esprits vers l’idée de conquête ou de revanche. Un coup de clairon dans les journaux, une propagande habilement menée, assortie de discours percutants et voilà un pays persuadé qu’il va encourir la réprobation universelle, s’il n’envahit pas le voisin. Quelques voix timides s’élèvent bien pour endiguer l’accès de fièvre, mais en vain. »

 

Légion d’honneur

 A l’instar de Joseph Vincent, Gerbépal a l’honneur de compter parmi ses enfants sept autres récipiendaires de la prestigieuse distinction :

Marie Joseph Désiré Bertrand

Adolphe Colin

Nicolas Aristide Conreaux

Gabriel Camille Guéry

Ambroise Elie Hartmann

Marius Jean Baptiste Kaye

Gustave Eugène Lejal. 

 

Tous les textes en italique sont extraits du livre de Madame Béatrice MARCHAL « Joseph, un de Ceux de 14 » paru aux éditions EDHISTO, 58 rue de la République, 88210 SENONES.

Les questions posées à Joseph Vincent sont pure fiction.

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